Éditorial

16 décembre, sans tambour ni trompette

Il y a trente ans, jour pour jour, le 16 décembre 1990, Haïti se faufilait pour entrer par la grande porte sur le chemin étroit de la démocratisation.

Trente ans plus tard, plusieurs indicateurs laissent croire que nous cherchons la sortie sans avoir accompli le tour de la maison démocratie.

Le dimanche 16 décembre 1990, les Haïtiens et Haïtiennes bouclaient une journée de vote mémorable. Les premières élections générales de l’après-dictature, qui ne furent ni noyées dans le sang comme le 29 novembre 1987 ni entachées d’irrégularités comme le 17 janvier 1988, s’étaient achevées grosso modo à la satisfaction de tous.

Après des débuts chaotiques, le pays projeta au monde une image de réussite. L’Armée était restée à sa place. L’exécutif provisoire fit son travail. La communauté internationale ne s’ingéra pas outre mesure. Le Conseil électoral fit de son mieux. Le peuple des votants vota.

Très vite, le vivre-ensemble en démocratie montra ses limites. Gouverner démocratiquement aussi. Mener le pays vers le développement fut un exercice difficile.

La coalition qui gagna les élections ne tarda pas à se déliter, à s’entredéchirer, à montrer ses limites. Les perdants ne perdirent pas une minute pour dresser des obstacles sur la route des vainqueurs.

De 1990 à nos jours, le pays a connu un nombre impressionnant de présidents, régulièrement élus ou installés provisoirement, de premiers ministres, de ministres, de directeurs généraux et d’élus à tous les postes.

L’incapacité des hommes et des femmes politiques à conduire les affaires de l’État, du pays et de la nation fragilisa les institutions.

Trente ans plus tard, nombreux sont ceux qui se demandent si revenir à l’autoritarisme ne serait pas le remède à nos maux.

Ceux qui ont connu le temps des Duvalier jurent matin, midi et soir que le pays ne peut pas revenir en arrière. Ceux qui regardent lucidement l’avenir se disent que tout est possible.

Il n’y aura pas de nouveau Duvalier mais réciter cette prière ne peut pas nous épargner du pire.

Il est d’ailleurs inquiétant de constater que depuis la publication des décrets sur l’Agence nationale d’intelligence et sur le renforcement de la sécurité publique, il y a des voix qui s’élèvent et d’autres qui sont inaudibles.

Il était déjà inquiétant de constater au fil des années le déficit de voix pour soutenir les institutions démocratiques et la bonne marche des institutions. Le combat pour un pays démocratique manque de soldats.

Nombreux sont ceux qui rêvent de recueillir un matin la dépouille du pays et promettent d’en prendre soin mieux que les chefs du jour.

Pour que la démocratie et tout ce qu’elle implique fonctionnent dans un pays, il faut une conjonction des bonnes volontés et une coalition d’acteurs qui souhaitent le meilleur pour tous. Cet engagement manque de soldats pour lui jurer fidélité.

La date marquant les trente ans des premières élections démocratiques tenues en Haïti n’a pas été célébrée. Le pays ne s’est pas approprié la symbolique ni n’en n’a pas profité pour renouveler son engagement de faire mieux.

Le 16 décembre, comme le 7 février, n’a pas su donner naissance à de nouvelles générations de démocrates. Le pays ne s’en est pas approprié. La bataille pour le bien de tous s’est habillée de partisannerie, n’a pas su s’élever au rang de nécessité nationale.

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