La liberté d’expression et de presse meurt à petit feu en Haïti : les journalistes en paient le prix
Cela fait plus de 20 ans que la liberté d’expression et de presse est menacée en Haïti. Les journalistes sont pris pour cibles et en paient le prix au péril de leurs vies.

Publié le : 3 oct. 2022 à 11:15
La liberté d’expression et de presse est un droit fondamental de l’être humain qui lui est garanti par la déclaration universelle des droits de l’homme. L’article 19 de cette charte fondamentale stipule : « tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de diffuser », sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit ».
En Haïti, ce droit, comme bien d’autres, n’est ni garanti ni préservé. Exercer le métier de professionnels de l’information devient un risque vital que très peu osent. Les sorts réservés aux journalistes sont des martyrs suivis d’une mort violente assurée sans que jamais les victimes n’obtiennent justice. De 2000 à 2022, nous pouvons compter une panoplie de journalistes qui sont passés par là.
Près d’une dizaine de victimes en 2 décennies
De Jean Léopold Dominique (2000, tué par balle), passant par Brignol Lindor (2001, lynché), Jacques Roche (2005, kidnappé, torturé puis exécuté), Vladjimir Legagneur (2018, assassiné, corps disparu), Rospide Pétion (2019, tué par balle), Antoinette Duclair (surnommée Netty) et Diego Charles (2021, tués par balles) jusqu’aux derniers en date Frantzsen Charles et Tayson Latigue (2022, assassinés, corps disparus), la longue liste des victimes innocentes s’alourdit .
C’est un triste panorama pour l’un des pays les plus pauvres des Caraïbes et du monde miné par des crises multisectorielles incessantes. Des journalistes sont d’années en années tués, assassinés ou disparus à répétition. Et, pour aucun de ceux que nous mentionnons dans cet article, les faits n’ont pas été rétablis afin que justice leur soit rendue.
Les interminables enquêtes se déroulent
Tué par balle devant l’entrée de sa station de radio, au cœur de la capitale, en avril 2000, Jean Léopold Dominique était le journaliste le plus populaire de son époque. Une année plus tard, le journaliste Brignol Lindor a, lui, été lynché en décembre 2001 à Petit-Goâve. Le corps sans vie de Jacques Roche avait été retrouvé, quatre jours après son enlèvement, visiblement torturé avant son exécution, en juillet 2005.
Quelques années plus tard, soit le 14 mars 2018, le photojournaliste Vladjimir Legagneur est sorti réaliser un reportage à Martissant et n’est jamais rentré chez lui. Son corps n’a pas été retrouvé. Rospide Pétion a été tué par des balles au volant de sa voiture dans la soirée du lundi 10 juin 2019 dans le quartier de Portail Léogâne sis à Port-au-Prince.
Pas plus tard que l’an dernier(2021), les journalistes Antoinette Duclair et Diego Charles ont été exécutés lors d’une longue série de tuerie à Delmas (Christ-Roi, Carrefour Samida jusqu’à Delmas 32) qui a compté environs 15 personnes tuées. Netty a été criblée de balles au volant de sa voiture alors qu’elle discutait avec son ami journaliste Diego Charles qui est, lui, tombé par terre, atteint de plusieurs projectiles, devant sa maison.
Wilguens Louissaint et Amady John Wesley, responsables aussi parmi les journalistes victimes de l’insécurité à Port-au-Prince, suite à leur exécution par le gang dirigé par « Ti Makak », à Laboule 12, dans les hauteurs de Pétion-ville.
Les plus récents en date sont les très jeunes journalistes Tyson Latigue et Frantzsen Charles qui ont été assassinés. Les deux ont été tués puis brûlés vifs le dimanche 11 septembre 2022 dans la commune de Cité-Soleil par des hommes armés du gang G-9, tandis qu’ils s’y rendaient afin de réaliser un reportage avec les parents d’une adolescente tuée d’une balle perdue, à Brooklyn.
2022, les enquêtes se poursuivent !
La peur au ventre, la mort en attente, l’injustice pour espoir ou l’exil
A ce jour, aucun de ses assassins n’ont été élucidé. La fameuse formule « l’enquête se poursuit » est la seule information que l’on peut retenir des autorités pour chacune des victimes. Les familles sont encore dans l’attente de justice pour leurs proches tout en sachant, qu’au mieux, elle n’arrivera jamais.
C’est dans ce contexte que doit exercer un journaliste dans un pays ou toutes les couches sociales manquent de tout. La peur au ventre, la mort en attente les quelques journalistes qui s’y adonnent sont soit résignés, soit corrompus, ou contraint à l’exil pour exercer librement leur travail sans crainte de représailles quelconques.
Filisner DIEUJUSTE
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